Comme son nom l’indique, ce concert aspire à ressortir des oubliettes des airs qui remontent à des décennies auparavant, étant le fruit d’un travail de recherche rigoureux.
Le public a accueilli d’abord le maestro et docteur Mohamed Garfi et la troupe de l’Orchestre symphonique tunisien, tous de noir vêtus.
Avec la chorale, ils ont inauguré le spectacle avec des morceaux célèbres. « Slem el Bey », « Wedoouni » et « Yeli boadak dhayaa fekri » ont été introduits par le comédien Jamel Madani qui a tissé le fil narrateur, invitant les spectateurs à un voyage musical à travers le temps.
La Troupe nationale des arts populaires a rythmé les sonorités par des chorégraphies en costumes traditionnels renouvelés à chaque air.
Quatre chanteurs de renommée se sont après succédé sur scène pour interpréter avec justesse et émotion des titres tunisiens intemporels.
Meherzia Touil a fait son entrée avec « Zaama ysaffi eddahr », une composition de Mohamed Triki sur des paroles de Mahmoud Bourguiba. Hamza Fadhaloui a par la suite repris deux chansons célèbres de Hedi Jouini« Eli taada w fet » et « Hobbi yetbadel yetjaded » ont été fredonnés en chœur par le public.
Chedly hajji, en invité d’honneur, a généré des salves d’applaudissements en chantant « Eli me yaarafch l hob », puis il a enchainé avec « Sidi Bou Said » de Ali Riahi. Chokri Omar Hanachi a revisité « El fajr leh » et « Sea Hnia » , respectivement de Mohamed Jamoussi et hedi Jouini.
Jamel Madani a ponctué le concert par des intermèdes poétiques avec des textes humoristiques de Ali Douagi en dialecte tunisien.
Il a également repris deux chansons au ton sarcastique, en y ajoutant une touche théâtrale qui a accentué l’ironie des paroles.
D’autres compositions intemporelles signées kadour Srarfi, Abdelhamid Slaiti, Mohamed Garfi lui-même et les frères Rahbani figurent également au programme de ce concert qui a mis en lumière des chefs-d’œuvre parfois peu connus. « Omri w omrek », un titre particulièrement émouvant de Gaddour Srarfi a été repris en duo par Hamza Fadhlaoui et Meherzia Touil.
Ensemble, ils ont également interprété « Nachid al Hayat », un poème célèbre de Abou El Kacem Chebbi sur une musique de AbdelHamid Slaiti. Le spectacle a été clôturé par une interprétation collective de « Sayf fal Yoch’har ».
Les trois chanteurs ont uni leurs voix, soulignant la force et la résilience du peuple palestinien brisé par la guerre, mais qui refuse de céder au désespoir et maintient encore sa dignité et son courage.
Sur les écrans géants, des photos des paroliers et des compositeurs ont défilé pour révéler au public le portrait de ces légendes qui ont façonné la scène musicale tunisienne. Un hommage a également été rendu aux femmes rurales par la projection en grand format d’images d’ouvrières agricoles. Des photos capturant des manifestations de soutien à la cause palestinienne ont accompagné la chanson finale.
Ce concert qui a réuni des artistes de générations différentes a ainsi conjugué respect du patrimoine et modernité de l’interprétation pour ressusciter plus belles pages de l’histoire artistique tunisienne.
Chaque morceau a été une redécouverte, un instant suspendu en reconnaissance de l’empreinte de ceux qui ont inspiré et nourri la musique tunisienne du siècle précédent.
Avec cette ouverture puissante, la 59ᵉ édition du Festival de Carthage montre que la tradition peut dialoguer avec le présent et que la mémoire musicale peut encore vibrer avec intensité dans les cœurs d’aujourd’hui.